Entre points et virgules

Souvent la musique est l’énergie de mes compositions. Lentement — comme le voyage accompli, autrefois, entrait en gare dans son manteau de vapeur relâchée — le billet se profile à l’horizon de la page, auréolé de mots vagues encore et d’idées assourdies, silhouette informe dont la construction se précise et qui va s’affirmant à travers les notes, découvertes ou reconnues. Je ne sais jamais de quoi sera fait le prochain attelage. Parfois je ne mets rien sur les rails. Parfois le sifflet joyeux d’un premier mot, le tour de roue puissant d’une première phrase déclenchent le mouvement et annoncent le départ d’une nouvelle aventure.
Et c’est un moment toujours magique, amusé, satisfaisant, de voir ainsi les images apparaître et s’organiser entre points et virgules. De sentir l’inspiration courir au long des voitures, donner du souffle au sujet, alimenter la mécanique du clavier. Qu’un rayon de soleil traverse un moment de tristesse ou qu’une obligation du quotidien percute le convoi à peine formé et c’est le dérisoire qui, soudain, enfume et obscurcit la tête, la réalité qui, tout à coup, rétrécie la voie. Le billet déraille. Au contraire, que l’atmosphère de la pièce soit en accord avec mon humeur, avec la mélodie, avec le tempo de mon cerveau-machine et l’évasion sera possible, parfois facile, rapide et joliment panachée !

Quel piano fait-il ce matin ?

Illustration : Claude Monet

Une réflexion sur “Entre points et virgules

  1. Le processus de l’écriture (et de l’invention qui s’invite sans crier… gare) est toujours plaisant à cause de la surprise qu’elle engendre et contient. La joie du butoir final en est la récompense. =====================/

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